Le président Erdogan a mis en place en Turquie des lois qui interdisent de l'insulter. Et il a décidé de s'en prendre également aux Européens de pays qui criminalisent l'insulte aux chefs d'États étrangers, tels que l'Allemagne et les Pays-Bas.
En réaction, le commentateur britannique Douglas Murray a lancé le concours de poésie «Injuriez Erdogan» qui connaît un succès international phénoménal.
Bruno Kramm, chef de la branche berlinoise du Parti Pirate, a été arrêté à Berlin vendredi par la police pour avoir lu quelques vers d'un poème injurieux envers le président Erdogan. Il s'agit du poème satirique du comédien allemand Jan Böhmermann, qui a été inculpé, avec l'autorisation de la chancelière Angela Merkel, pour insulte à un chef d'État en vertu de la loi allemande contre le «lèse-majesté». Bruno Kramm s'expose possiblement à être lui aussi inculpé en vertu de cette loi.
Dans une interview à RT, Bruno Kramm a déploré que les Allemands perdent de plus en plus leur liberté d'expression:
«Le fait qu’Angela Merkel a autorisé Recep Tayyip Erdogan à poursuivre en justice ses concitoyens est ridicule mais il montre que, quand les autorités d’un pays commencent à mener des affaires avec les dictateurs comme le président turc, ce sont les citoyens ordinaires qui subissent les impacts négatifs», a déclaréBruno Kramm, précisant que son arrestation était un signe clair que les Allemands perdaient leur droit de s’exprimer librement.
«Je n’ai cité que quelques lignes du poème. Je ne pouvais pas penser qu’on pourrait m’arrêter. On m’a traité comme si j’étais un criminel. Pire encore, toute manifestation a été arrêtée ce qui signifie que la liberté d’expression de gens qui voudraient s’exprimer a été violée», a-t-il poursuivi. (source : RT)
#Staatskrise?Weil er aus dem #Boehmermann-Gedicht zitierte,wurde #Piraten-Politiker Bruno Kramm verhaftet #FreeBruno pic.twitter.com/DKvi8CwYUv
— Piratenpartei (@Piratenpartei) 23 avril 2016
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Le président Erdogan a fait arrêter une journaliste néerlandaise de nuit par la police. FranceTVinfo rapporte la nouvelle:
Le pouvoir turc n'aime décidément pas les journalistes qui osent faire des critiques. "Je ne suis pas libre, nous allons à l'hôpital." C'est ce qu'a écrit sur Twitter une journaliste néerlandaise d'origine turque, Ebru Umar, dans la nuit du samedi 23 avril au dimanche 24 avril. Elle a posté ce message alors qu'elle devait subir un examen médical avant d'être présentée devant des procureurs. La journaliste a été interpellée par la police, peu avant, à son domicile de Kusadasi pour avoir "insulté" le président turc Recep Tayyip Erdogan. (source : Francetvinfo.fr)
Par ailleurs, Atlantico rapporte que la Turquie incite à la délation aux Pays-Bas :
(...) les médias hollandais affirme (sic) que le consulat turc de Rotterdam a envoyé un email à toutes les organisations turques du pays pour que celles-ci rendent compte des insultes qu'elles pourraient entendre contre le président.
Une délation réclamée, qui a fait des vagues aux Pays-Bas.
"Je suis surpris" a ainsi réagi le Premier ministre hollandais, en visite en Allemagne. "Notre ambassadeur à Ankara va réclamer des explications." (...)
Aujourd'hui, il existe aux Pays-Bas, comme en Allemagne, une loi punissant les insultes envers les chefs d'Etat étrangers. Le ministre de la Justice néerlandais a promis de la supprimer. (source: Atlantico)
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En réaction aux tentatives de censure de M. Erdogan, le britannique Douglas Murray a lancé le concours «Injuriez Erdogan», qui connaît un immense succès international. Il avait annoncé que pour être admissibles au concours, les textes soumis devaient être profondément diffamatoires et épouvantablement obscènes :
Eh bien, je suis inondé de réponses au «Concours de Poésie Injuriez Erdogan». En fait, j'ai reçu des milliers et des milliers de réponses de partout dans le monde. Le volume de réponses est tout à fait extraordinaire, en particulier le nombre de réponses en arabe.
La semaine prochaine, il y aura un développement majeur, car je dévoilerai le jury international qui jugera les candidats et élira le gagnant. Je suis fier de dire que nous avons déjà un extraordinaire éventail de stars littéraires internationales pour attribuer ce qui constitue, aujourd'hui, le prix de poésie le plus payant. (...)
Il semble toutefois y avoir une volonté de poursuivre les gens qui, aux Pays-Bas, insultent Erdogan. Cette volonté semble se manifester à l'égard du plus grand comédien néerlandais, Hans Teeuwen. Plus tôt cette semaine, j'ai vu l'interview qui semble être une source de controverse. Vous la trouverez ici, et je vous la recommande chaudement :
Il s'agit presque, pourrait-on dire, d'un poème en prose. Or il semble que cette prose cause des ennuis à Teeuwen. Comme vous pouvez le voir dans l'interview, Teeuwen se fait demander son opinion sur la décision de Merkel d'autoriser une poursuite contre un comédien allemand pour avoir insulté Erdeogan, et Teeuwen répond immédiatement qu'il veut parler de Erdogan et pas de Merkel. Vous serez en mesure de voir pourquoi. Hans Teeuwen a beaucoup à dire au sujet du président turc, et ce n'est pas très flatteur. Il semble que M. Erdogan ne s'est pas bien comporté avec M. Teeuwen dans le passé. Et comme vous pourrez le constater en écoutant la vidéo, ce serait trop facile de rejeter le tout comme une petite querelle entre amants (ou du moins entre partenaires sexuels occasionnels). Il s'agit clairement de beaucoup plus que cela. Et maintenant, les représentants de M. Erdogan essaient d'utiliser les tribunaux néerlandais pour avoir sa revanche.
Je ne me souviens pas qui a dit: «Vous ne passerez pas». C'était probablement Gandalf. En tout cas, maintenant Hans Teeuwen l'a dit. À l'instar de milliers de personnes dans des poèmes. Désormais, nous avons simplement besoin que des politiciens européens le disent, mais ils semblent tous préoccupés par d'hypothétiques relations commerciales bilatérales.
- Douglas Murray, Nice try President Erdogan, but you can’t prosecute all Europeans who insult you, Spectator, 23 avril 2016. Traduction Poste de veille
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En complément, lire cet excellent texte de Valérie Robert : Affaire Böhmermann : De l’obscénité dans la satire
Voici un extrait :
(...) Böhmermann mérite d’être connu : il pratique une satire acérée, érudite, aux nombreux niveaux de lecture, bourrée d’allusions et qui pourrait à chaque fois donner lieu à un cours entier de civilisation allemande. Une satire qui est aussi une critique des médias en action ; en cela, il s’inscrit dans la tradition de Karl Kraus, grand provocateur dont chaque texte était aussi un coup de pied dans la fourmilière de son époque. Et c’est exactement ce que fait Böhmermann à sa manière, dénonçant le système médiatique et politique par la provocation. (...)
Et surtout, comment peut-on prendre au sérieux un texte qui procède par une telle accumulation, accusant Erdoğan d’être à la fois fétichiste du latex, zoophile, pédophile, homosexuel et roi du gang-bang ? On est là dans le «caca boudin» puissance 10, mis en scène et désigné comme tel dans une forme de prétérition. Par ailleurs, ce «poème» neutralise de manière dialectique sa dimension potentiellement xénophobe : en effet, il se situe sur la même ligne que les insultes utilisées par Erdoğan lui-même envers ses opposants, lequel les traite d’«infidèles», de «sperme d’Israël» ou encore de «pervers politique», lui pour qui l’opposition dans son ensemble est une bande d’«homosexuels» vendus au «lobby arménien». On peut donc tout aussi bien voir dans ce poème une parodie d’Erdoğan lui-même, qui par ailleurs poursuit n’importe qui, même des enfants, pour bien moins que ça et toujours sous le chef d’accusation d’outrage au chef de l’État. (...)
Une provocation réussie
Par delà les désagréments que subit Böhmermann, actuellement protégé par la police, son émission a rempli son rôle, celui d’une provocation magistrale, d’une satire qui révèle que la réalité la dépasse, et de loin. Par son coup de pied dans la fourmilière, il a poussé Erdoğan à se montrer tel qu’en lui-même en dehors de son pays, mais aussi mis en lumière les priorités du gouvernement et certains mécanismes du discours public en Allemagne.
Il a montré les limites de la liberté de la satire en Allemagne, en rendant visible et tangible le caractère parfois vide de la formule incantatoire de la «liberté d’opinion et de la presse» ; il a contraint Angela Merkel à révéler, pas par ses paroles, mais par ses actes, l’ampleur des concessions qu’elle est prête à faire pour être débarrassée du «problème» des réfugiés. Alors même que les critiques de Böhmermann lui ont reproché le caractère inoffensif, voire vain de sa satire, accusée d’escamoter les vrais problèmes, Böhmermann a au contraire le don pour mettre le doigt là où ça fait mal, pour montrer, par le biais d’un «poème» censément vulgaire et insultant, où se situe la véritable obscénité.
On peut trouver ici une transcription en anglais du poème de Böhmermann.
Lire aussi :
Un comédien allemand risque la prison pour un poème satirique sur Erdogan
Ci-joint cette vidéo toujours d'actualité intitulée : "L'Autriche invite l'ambassadeur Turc à rentrer chez lui"
https://www.youtube.com/watch?v=ns0i0oCmiRo
Rédigé par : Ansèlme | 28/04/2016 à 16:32
Erdogan, le terroriste en chef, livrait des armes aux groupes djihadistes en Syrie.
(6 mai 2016) Le journaliste turc Can Dündar et Erdem Gül, son chef de bureau à Ankara, ont été condamnés par un tribunal d'Istanbul, respectivement à 5 ans 10 mois et 5 ans de prison ferme, pour avoir divulgué ces faits.
«Les deux hommes ont été acquittés pour "espionnage" mais ont été condamnés pour "divulgation de secrets d'État" pour avoir révélé que le régime islamo-conservateur du président Recep Tayyip Erdogan livrait des armes aux groupes jihadistes en Syrie, selon les chaînes de télévision.»
http://www.france24.com/fr/20160506-turquie-journaliste-turc-opposition-can-dundar-condamnation-prison-divulgation-secret-etat?&_suid=146256387827904992669860366732
Rédigé par : Voländer | 06/05/2016 à 16:09