Mona Eltahawy est une journaliste et écrivaine égyptienne très connue. Elle vient de publier un livre intitulé «Foulards et Hymens».
Le site Viabooks.fr la présente, ainsi que son livre. Voici des extraits:
Son livre «Foulards et hymens» (Belfond) est un cri en faveur d'une grande révolution sociale et sexuelle. C'est aussi un texte qui rend hommage aux femmes arabes qui, avant elle, se sont opposées aux diktats culturels imposés par le monde arabo-musulman.
Pourquoi ce livre ? Et surtout pour qui ? «Pour toutes les femmes du monde arabe. Pour les femmes du monde occidental aussi, qui ont le choix, et qui ne se rendent pas compte qu’en portant un voile, elles contribuent à asservir les femmes pour lesquelles le port du voile est une contrainte. Et que ce voile cache bon nombre d’autres maltraitances…».
Dans le livre, hommage est rendu à quelques grandes figures du féminisme du Moyen-Orient, qui ont émergé au début du XXème siècle : «J’ai découvert un héritage féministe propre au Moyen-Orient, un héritage qui n’était pas importé d’Occident. Je peux citer Huda Shaarawi qui a lancé le mouvement des droits de la femme en Egypte en ôtant son voile en public en 1923. Et Doria Shafik qui dans les années 50, est entrée de force dans le Parlement égyptien à la tête d’un groupe de mille cinq cents femmes, avant d’entamer une grève de la faim pour obtenir la libération des femmes de son pays. Ou encore, Naal El Saadawi, psychiatre, écrivain et militante, Fatima Mernissi, une sociologue marocaine et la tunisienne Fatoum Elaswad...»
Quelle différence entre le monde arabe-culturel- et le monde musulman –cultuel- en ce qui concerne la place qu’ils réservent aux femmes ? «L’Islam ne porte absolument pas le mépris des femmes en son message, ni même l’obligation du port du voile. Ce sont les hommes qui se sont emparés de ‘la chose religieuse’ qui ont voulu construire cette forteresse anti-femmes. Je soutiens d’ailleurs le mouvement Musawah, né en Malaisie en 2009, qui prône l’égalité et la justice dans la famille musulmane. Ce mouvement montre qu’Islam et respect des femmes n’est pas incompatible.»
Un sujet de désaccord avec Tarik Ramadan, qui s’est opposé violemment à la journaliste égyptienne lors d’un débat télévisé : «Tarik Ramadan a essayé de me discréditer, mais c’est lui-même qui s’est piégé par son agressivité à mon égard, car il ne pouvait pas s’empêcher de m’interdire de parler. Il incarne une interprétation rétrograde de la religion musulmane. Il porte un visage moderne, mais en fait, c’est un conservateur très anti-féministe.»
Voici un extrait de son débat avec Tarik Ramadan en 2011 diffusé par la BBC. Il l'a accusée de «travailler avec les néocons aux États-Unis» en raison de son soutien à l'interdiction du voile intégral qui venait d'être promulguée en France, une mesure vue par Ramadan comme une atteinte à la liberté des musulmanes d'exprimer leur foi:
Des dispositions du projet de loi 59 visant à mieux protéger les enfants contre les «mauvais traitements» permettraient de réévaluer le rituel du voile de la charia qui a lieu annuellement à Montréal. Durant cette cérémonie, des fillettes de 8-10 ans prêtent serment sur leur honneur de faire tout en leur pouvoir afin de porter le hijab jusqu'à la mort.
Parmi les «mauvais traitements» justifiant une intervention de la Direction de la protection de la jeunesse, le projet de loi 59 ajoute la notion de «contrôle excessif». Le projet de loi stipule aussi qu'«aucune considération, qu’elle soit d’ordre idéologique ou autre, incluant celle qui serait basée sur une conception de l’honneur», ne peut justifier une situation de «mauvais traitements».
Le journal Sada al-Mashrek contient un article sur la cérémonie du voile tenue en avril au Centre communautaire musulman de Montréal, au cours de laquelle des fillettes de 8 à 10 ans ont juré sur leur honneur de porter le hijab jusqu'à leur mort. Une vidéo d'un discours du Cheikh Ali Sbeiti, alors au Liban, a été présentée: il y affirme que le hijab est une obligation en vertu de la charia.
(Sada Al Mashrek) Comme à chaque année, le Centre communautaire musulman de Montréal a tenu sa cérémonie annuelle du hijab au jour de l’anniversaire de Sayyeda Fatima az-Zahraa, la fille du Saint Messager Mahomet (bénédictions sur le Messager et l’Ahlul-Bayt).
Ayant atteint l'âge de la responsabilité religieuse, plus de vingt filles ont célébré le port du hijab, samedi le 25 avril au soir. Les respectés Dr Sayed Riyad el-Mo’mem et Sayed Fadi Qassem ont assisté à la cérémonie, ainsi que les familles des jeunes filles et d’autres membres de la communauté.
Des jeunes filles de l’école al-Ajial, Zainab Saab, Lamees Awali et Fatima Sbeiti ont récité des versets du saint coran. Ensuite, une vidéo a été montrée, puis elles sont montées sur la scène sous les applaudissements du public. Le public a ensuite écouté la déclaration enregistrée par l’imam du Centre communautaire musulman de Montréal, Son Eminence le Cheikh Ali Sbeiti :
Béni soit le temps où nous commémorons la naissance de la femme de la plus haute sainteté dans le monde. Comme à chaque année, notre communauté célèbre la nouvelle responsabilité de nos chères filles. Ce soir, elles s’épanouissent en commençant à observer l’une des obligations de notre bienveillante charia (code de conduite de l’islam). En protégeant l’identité religieuse et intellectuelle de nos fils et de nos filles, et leur vraie dévotion aux enseignements bénis de l’Ahlul-Bayt, nous renforçons leur confiance en soi.
[...] Je suis reconnaissant envers les frères et les sœurs qui ont travaillé très dur pour que cette cérémonie soit une grâce et une fierté pour les filles qui commencent à porter ce vêtement angélique.
La manière dont nous agissons démontre la fausseté des accusations et des ragots. Ils tentent de faire croire que les filles deviennent recluses après qu’elles commencent à porter le hijab, mais en fait, celles qui le portent vont à l’école et à l’université, elles travaillent, fondent des familles, et préservent tous les merveilleux vêtements et traditions de la communauté qui reconnaissent la nécessité de familles fortes pour la survie de notre communauté.
Dans le texte qui suit, Nervana Mahmoud, médecin, blogueuse et chroniqueuse sur des sujets concernant le Moyen-Orient, critique l'intervention de Ali Goma, ancien Grand Mufti d'Égypte, dans le débat qui sévit présentement en Égypte sur la question du hijab.
Le mois dernier, le journaliste Cherif Choubachy a invité les Égyptiennes à retirer leur hijab pour émuler Hoda Chaaraoui, fondatrice du féminisme égyptien, qui avait posé un geste spectaculaire en 1923 en se dévoilant à Alexandrie à son retour d'un congrès féministe en Europe.
(Nervana) - Le débat autour du foulard islamique (hijab) et d’un code vestimentaire islamique pour les femmes fait encore rage en Égypte. Le cheikh Ali Goma, un juriste islamiste de renommée internationale, et ex-Grand Mufti d’Égypte (le plus haut responsable de l’interprétation des édits religieux émis par des clercs musulmans), a récemment contribué au débat avec des commentaires très surprenants et alarmants. Dans sa propre émission de télévision, le cheikh Goma a non seulement réaffirmé que le hijab est obligatoire en islam, mais il a en outre ajouté que toute femme qui conteste cette interprétation est une infidèle. Suite à ces commentaires, les Égyptiens non islamistes craignent que les savants mainstream prétendument modérés cautionnent maintenant un nouvel islamisme institutionnalisé.
En Égypte, le code vestimentaire pour les femmes est un sujet controversé depuis près de 100 ans. La controverse a commencé en 1919, quand de nombreuses femmes ont enlevé leur voile pour exprimer leur soutien à la libération de l’Égypte de l’occupation britannique. Les groupes islamistes politiques, tels que les Frères musulmans, ont cependant toujours milité pour un strict code vestimentaire islamique en exigeant, au minimum, que les femmes musulmanes couvrent leur chevelure. Les partisans des Frères musulmans ont eu recours à la coercition sociale, en utilisant des tactiques de peur (par exemple, les menaces de punition dans l'au-delà) pour assurer le respect du code vestimentaire. Les salafistes, pour leur part, ont opté pour une approche encore plus brutale, avec une dose plus forte de coercition sociale contre les femmes dans leurs cercles sociaux. (...)
Même si le cheikh Goma n’occupe pas de position officielle, ses vues ont toujours reflété les tendances religieuses du pays. Il est connu pour ses opinions progressistes sur la démocratie, les mutilations génitales féminines, et d'autres questions. Ses commentaires récents sur le hijab sont toutefois troublants pour plusieurs raisons. Le cheikh Goma a divisé les femmes non voilées en deux groupes : les pécheresses et les infidèles. Les pécheresses sont celles qui reconnaissent que le hijab est obligatoire mais ne le portent pas. Les infidèles, aux yeux de Goma, sont celles qui contestent ouvertement la notion du hijab obligatoire. (...)
En outre, les vues de Goma pourraient conduire à une culture d'intimidation contre les femmes non voilées, et possiblement prendre les femmes au franc-parler dans des pièges juridiques. (...)
Le débat actuel sur le hijab reflète un débat plus large en Égypte sur la signification de l'islam modéré. Les savants mainstream semblent soutenir que la tolérance envers les pécheresses telles que les femmes non voilées, est un signe d’islam modéré. D'autres rejettent cette approche, et réclament plutôt une interprétation réformée des textes islamiques qui permettra l'inclusion de nombreux musulmans libéraux, y compris les femmes non voilées, sous un parapluie islamique plus large et plus diversifié. (...)
Les femmes égyptiennes ne devraient pas être forcées de porter le hijab pour plaire à certains savants islamiques. L’islam en Égypte a toujours été une foi tolérante et inclusive. L’institutionnalisation de l’islamisme réactionnaire au sein de piliers de l’État n’est pas la voie à suivre. L’Égypte n'a pas évincé les Frères musulmans pour se retrouver avec un modèle d'islamisme encore bien pire.
Les commentaires du cheikh Ali Goma, avec sous-titres anglais
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